Temple romain d'Izernore

temple à Izernore (Ain)

Le temple romain d'Izernore est un ensemble religieux gallo-romain en ruines, situé dans la commune d'Izernore dans le département français de l'Ain en région Auvergne-Rhône-Alpes.

Temple romain d'Izernore
Présentation
Destination initiale
temple
Destination actuelle
vestiges archéologiques
Style
Construction

Ier siècle (premier temple)

IIe siècle (second temple)
Propriétaire
commune
Patrimonialité
Localisation
Département
Commune
Coordonnées
Localisation sur la carte de l’Ain
voir sur la carte de l’Ain

Ce ensemble cultuel se compose de deux temples monumentaux qui se succèdent à environ un siècle d'intervalle au même emplacement, le second réutilisant certaines structures du premier. Les études et fouilles, partielles ou anciennes, ne permettent pas de reconstituer avec certitude l'aspect des deux monuments.

Les vestiges encore visibles en élévation appartiennent au second monument qui fait l’objet d’un classement au titre des monuments historiques par la liste de 1840 et qui est, en outre, le seul vestige antique visible en élévation dans tout le département.

Localisation modifier

Le temple se situe à environ 500 m au nord-nord-est du chef-lieu communal d'Izernore, à l'altitude de 461 m. Il est implanté sur l'extrême rebord du plateau qui regarde à l'est la vallée du bief d'Anconnans.

Il est difficile de localiser le temple dans la géographie antique, car les études n'ont jusqu'à présent, en raison de leur ancienneté ou de leur caractère parcellaire, pas permis de déterminer l'emprise d'une agglomération antique au niveau d'Izernore. Le monument pourrait se situer dans la partie orientale de la cité gallo-romaine, elle-même étant implantée au nord-ouest de la ville médiévale puis moderne[1], à moins que l'occupation antique ne se situe plus au sud, tout ou partiellement sous la ville moderne[2].

Historique modifier

Chronologie du temple modifier

La date de construction du premier temple, assez mal caractérisée par les enduits peints, pourrait se situer sous la dynastie flavienne (seconde moitié du Ier siècle apr. J.-C.)[3].

De la même manière, l'époque de construction du second temple n'est pas connue et aucun indice archéologique ne permet de la fixer, mais elle est obligatoirement postérieure à la phrase précédente ; elle commence potentiellement à la fin du Ier siècle pour s'étaler pendant tout le IIe siècle[4],[5]. Un incende sépare les deux phases de construction[6].

Le temple, comme l'ensemble de l'agglomération antique, semble être abandonné à la fin de l'Antiquité ou au tout début du Moyen Âge[1]. La rareté des vestiges s'explique par une récupération systématique des matériaux, utilisés comme remplois dans des constructions modernes, tout comme ceux d'autres monuments antiques de la ville[5]. À ce titre, il est surprenant que les trois piliers qui subsistent n'aient pas eux aussi fait l'objet d'une récupération[7].

Izernore fut brièvement, au XIXe siècle et au début du XXe siècle, une hypothétique localisation pour le site de la bataille d'Alésia[8].

Découverte, études et fouilles modifier

Dès le début du VIe siècle, des textes mentionnent la présence de ce monument, alors ruiné[9] . Plus tard, en 1650, 1706 et 1720, les vestiges visibles du temple sont décrits par plusieurs érudits locaux, nommés Samuel Guichenon, Echenod et de Veyle. Il s'agit de trois colonnes de marbre, et de la base d'une quatrième.

Les premières fouilles sur le site d'Izernore, réalisées par Thomas Riboud, datent de 1783[10].

Le site est classé en 1840[11]. En 1863, à la demande du préfet de l'Ain, les fouilles reprennent et sont financées à hauteur de 3 000 francs par l'État et le Conseil général[12].

La clôture de protection du site est aménagée en 1910. La publication moderne de l'édifice est par la suite effectuée sous la direction de Raymond Chevallier, avec l'aide du Groupe archéologique du Touring club de France, dans un article intitulé « Cinq années de recherches archéologiques à Izernore » (1968)[13].

Un projet de mise en valeur du temple voit le jour au début des années 2010. C'est l'occasion de réaliser, en 2013-2014, quelques travaux ponctuels sur le site, qui se prolongent avec une étude approfondie des éléments architecturaux épars sur l'emprise du monument[7].

Description modifier

Dès les premières fouilles, il apparaît que deux temples se sont succédé au même emplacement[14], leur plus grande dimension étant orientée de l'ouest-nord-ouest à l'est-sud-est.

Premier temple modifier

Le premier temple, mesurant au minimum 15 × 17,50 m[15], paraît avoir la forme d'un édifice de plain-pied, entouré d'une colonnade périphérique[16], peut-être d'ordre corinthien[3]. Seules les fondations, larges d'environ 0,95 m et quelques assises de l'élévation en petit appareil demeurent en place ce qui, conjugué au bouleversement du terrain consécutif à la construction du second temple, ne permet pas d'en proposer une restitution[15]. Il dispose d'une entrée sur son côté sud ; cette particularité, peu courante sans être exceptionnelle, n'est pas encore expliquée par l'organisation générale du monument qui reste par ailleurs inconnue[17].

Il est vraisemblablement décoré de fresques peintes. Les éléments retrouvés permettent de recomposer un panneau blanc encadré d'une large bande rouge vermillon bordée de motifs géométriques[18] mais d'anciennes publications mentionnent aussi des décors floraux et animaux.

Second temple modifier

 
Reconstitution du second temple in Saint-Didier, 1837.

Le deuxième édifice, dont les vestiges sont encore visibles, est reconstruit sur les fondations du premier[19] ; ses dimensions sont plus grandes et son plan différent : il s'agit d'un temple périptère sur podium, comportant un large escalier frontal dans sa partie orientale. Ses dimensions totales, sans compter l'escalier dont la taille ne peut être précisément évaluée, sont d'environ 19,20 × 22,60 m.

Lors de la reconstruction, les murs du premier temple sont doublés extérieurement par ceux du second et ne semblent être démontés qu'une fois la construction achevée. Ce procédé permet peut-être de maintenir la fonction cultuelle du monument pendant toute cette phase.

Sa cella mesure 7,80 × 12,80 m. Cette cella n'occupe pas une position centrée dans le temple : elle est plus proche de la colonnade de façade (3,25 m) que des trois autres côtés (4,80 m) ; cette disposition est peut-être due à l'intégration des maçonneries du premier temple[20]. En outre, ses murs ont été restaurés sur une largeur de 0,50 m mais leur largeur initiale était certainement supérieure[21]. Le sol de la cella était probablement réalisé en opus tessellatum mais, d'une manière générale, cette partie du temple est peu documentée[22]

 
Hypothèses de restitution du second temple.

Le massif de maçonnerie supportant le mur de la colonnade périphérique mesure 1,80 m de large, laissant présager une élévation en grand appareil particulièrement robuste. Les trois piliers sur plan carré qui subsistent sont les vestiges de cette colonnade dont ils marquent les angles, et sont réalisés en calcaire d'une grande dureté ; les faces internes de ces piliers sont pourvues de demi-colonnes engagées. Entre les quatre piliers angulaires, la façade et l'arrière du temple se composent de six colonnes, les grands côtés en comptant sept[N 1]. Les chapiteaux surmontant ces colonnes et piliers sont sans doute corinthiens d'après les rares vestiges retrouvés, et sculptés dans une roche plus tendre que le tronc des colonnes, dont le calcaire se travaille difficilement[21].

Les vestiges, se limitant aux fondations, aux piliers d'angle et à des blocs épars sur le site, ne permettent pas de proposer une restitution unique du temple dans son élévation : il peut s'agir d'un temple dont la cella est plus haute que la toiture de la galerie, comme dans la plupart des fanums et dont une reconstitution existe sur l'ancien archéodrome de Beaune, ou d'un édifice dont l'architecture générale se rapproche davantage d'un temple romain classique ainsi que l'avait imaginé Saint-Didier, avec une toiture à deux pans et un fronton monumental, comme la Maison carrée de Nîmes[21].

Divinité vénérée modifier

La question reste d'actualité car aucune certitude n'existe à ce sujet[22].

La tradition attribue ce temple à la divinité romaine Mercure, sur la base d'une inscription votive portant son nom découverte en position de réemploi dans le mur d'un presbytère voisin[24].

La découverte d'un fragment d'une statue en bronze, identifié d'abord comme un doigt de femme[25], fut la source de débats quant à l'éventuelle identité de la divinité vénérée, le nom de la déesse Roma ayant été évoqué[26] ; il s'agit peut-être d'un fragment de pétase (l'un des attributs de Mercure) mais qui pourrait provenir d'un autre monument que le grand temple[2].

En raison de la toponymie des lieux voisins, mentionnant un « Champ de Mars »[27],[28] et sur la base d'une inscription découverte dans un village proche[29], le temple d'Izernore est également attribué au dieu de la guerre[2] bien que Jules Baux, dès 1866, reconnaisse n'avoir aucune certitude quant au lien entre cette inscription et le temple d'Izernore[27]

Contexte archéologique modifier

Le temple d'Izernore pourrait être une composante d'un important site cultuel, comprenant plusieurs fana ainsi que des puits et des fosses dépotoirs à fonction potentiellement rituelle à l'ouest, des thermes au nord et peut-être un théâtre dont l'existence est, en l'état actuel des données, une hypothèse plausible[30].

Mise en valeur modifier

Le temple est le seul vestige du passé gallo-romain d'Izernore et c'est le seul monument de cette époque visible en élévation dans le département. Des grillages de protection ont été placés autour du site afin d'éviter tout pillage et d'assurer la sécurité des visiteurs en cas d'effondrement des trois colonnes restantes.

Notes et références modifier

Notes modifier

  1. Cette disposition se démarque de la reconstitution de Balthazar-Augustin Hubert de Saint-Didier qui envisageait huit colonnes sur chacun des grands côtés du temple[23].

Références modifier

  1. a et b Alain Melo, « Voies anciennes dans les montagnes du département de l’Ain (territoire d’Izernore, partie nord et reprise partie sud) » », ADLFI,‎ (lire en ligne).
  2. a b et c Fellague, Ferber et Parent 2017, p. 190.
  3. a et b Fellague, Ferber et Parent 2015, p. 53.
  4. « Le temple », sur le site du musée archéologique d'Izernore (consulté le ).
  5. a et b Fellague, Ferber et Parent 2017, p. 197.
  6. Fellague, Ferber et Parent 2017, p. 194.
  7. a et b Fellague, Ferber et Parent 2017, p. 191.
  8. Alexandre Bérard, « L'emplacement d'Alésia », Comptes rendus des séances de l'Académie des inscriptions et belles-lettres, t. L, no 9,‎ , p. 724-725 (DOI 10.3406/crai.1906.71948).
  9. Anonyme (trad. du latin par François Martine), Vie des pères du Jura, éditions du Cerf, coll. « Sources chrétiennes » (no 142), , 554 p. (ISBN 978-2-2040-7677-7), « Vie du saint abbé Oyend », p. 120.
  10. Baux 1866, p. 42.
  11. Notice no PA00116413, sur la plateforme ouverte du patrimoine, base Mérimée, ministère français de la Culture.
  12. Baux 1866, p. 5.
  13. Raymond Chevallier, « Cinq années de recherches archéologiques à Izernore », Visages de l'Ain, no 96,‎ , p. 23-27.
  14. BAux 1866, p. 30.
  15. a et b Fellague, Ferber et Parent 2015, p. 52.
  16. Baux 1866, p. 47.
  17. Fellague, Ferber et Parent 2017, p. 193-194.
  18. Fellague, Ferber et Parent 2015, p. 54.
  19. Baux 1866, p. 31.
  20. Fellague, Ferber et Parent 2015, p. 55.
  21. a b et c Fellague, Ferber et Parent 2015, p. 56.
  22. a et b Fellague, Ferber et Parent 2017, p. 195.
  23. Saint-Didier 1837, planche hors-texte.
  24. CIL XIII, 02572 MERCVRIO SACRVM (Luc)IVS TVTELLVS ET SVI V(otum) S(olvit) L(ibens) M(erito)
  25. Baux 1866, p. 6.
  26. Baux 1866, p. 38.
  27. a et b Baux 1866, p. 36.
  28. Saint-Didier 1837, p. 13.
  29. CIL XIII, 02571 MARTI C(aius) VERAT(ivs) GRATVS EX VOTO
  30. Fellague, Ferber et Parent 2017, p. 190-191.

Annexes modifier

Sur les autres projets Wikimedia :

Bibliographie modifier

  : document utilisé comme source pour la rédaction de cet article.

  • « Bibliographie générale sur Izernore - Isarnodurum », sur Musée d'Izernore (version du sur Internet Archive) [PDF].
  • Jules Baux, Ruines d'Izernore. Rapport à M. Léon de Saint-Fulgent, préfet de l'Ain, sur une fouille opérée en 1863 par les soins d'une commission départementale, Impr. de F. Dufour, , 123 p. (lire en ligne).  
  • André Buisson, L'Ain, Paris, Les éditions de la MSH, coll. « Carte archéologique de la Gaule » (no 01), , 192 p. (ISBN 978-2-8775-4010-0).  
  • Isabelle Fauduet, Les temples de tradition celtique en Gaule romaine, Paris, Errance, , 159 p. (ISBN 2-8777-2074-8).
  • Djamilla Fellague, Emmanuel Ferber et Daniel Parent (avec un encart de J. Boislève pour les décors peints), « Izernore, retour au temple », Archéologia, no 529,‎ , p. 50-57 (ISSN 0570-6270, lire en ligne).  
  • Djamilla Fellague, Emmanuel Ferber et Daniel Parent, « Le temple d'Izernore et ses pièces d'architecture », dans Actes du colloque international « Decorazione e architettura nel mondo romano », Rome, 2014, Quasar, , 934 p. (ISBN 978-8-8714-0753-1, lire en ligne), p. 189-206.  
  • Balthazar-Augustin Hubert de Saint-Didier, Essai sur le Temple Antique d'Izernore en Bugey, Imprimerie de P.-F. Bottier, , 15 p. (lire en ligne).  

Articles connexes modifier

Liens externes modifier