En mathématiques, et plus précisément en analyse convexe, le sous-différentiel est un concept permettant de décrire la variation locale d'une fonction convexe (à valeurs réelles donc) non nécessairement différentiable dans un sens classique, celui auquel on attache aujourd'hui le nom de Fréchet. Au lieu d'être la pente de l'application linéaire tangente (c'est-à-dire, la dérivée) au point considéré, qui n'existe pas nécessairement, le sous-différentiel d'une fonction convexe est l'ensemble des pentes de toutes les minorantes affines de la fonction, qui sont exactes en ce point, c'est-à-dire qui ont en ce point la même valeur que la fonction convexe qu'elles minorent. Dans cette description, le mot pente peut être entendu comme un élément de l'espace dual. La convexité de la fonction assure qu'on peut lui trouver des minorantes affines exactes en presque tout point de son domaine ; on met donc à profit cette propriété pour définir le sous-différentiel. Si l'on peut trouver une minorante affine exacte en un point donné, on dit que la fonction convexe est sous-différentiable en ce point.

On sait que la notion de dérivée est fondamentale en analyse car elle permet d'approcher localement des fonctions par des modèles linéaires, plus simples à étudier. Ces modèles fournissent des renseignements sur les fonctions qu'ils approchent, si bien que de nombreuses questions d'analyse passent par l'étude des fonctions linéarisées (stabilité, inversibilité locale, etc). On rencontre beaucoup de fonctions convexes qui ne sont pas différentiables au sens classique, en particulier lorsque celles-ci résultent de constructions qui n'ont rien pour assurer la différentiabilité des fonctions qu'elles produisent. Il en est ainsi de la fonction duale associée à un problème d'optimisation sous contraintes, pour en citer un exemple emblématique. Pour ces fonctions convexes non lisses, le sous-différentiel joue donc un rôle similaire à celui de la dérivée des fonctions plus régulières.

La notion de sous-différentiel connaît diverses extensions aux fonctions non nécessairement convexes, par exemple aux fonctions localement lipschitziennes[1].

Connaissances supposées : l'algèbre linéaire, le calcul différentiel (notamment les propriétés de la dérivée directionnelle au sens de Dini pour les fonctions convexes prenant des valeurs infinies), les bases de l'analyse convexe (notamment les principales notions attachées aux ensembles et aux fonctions convexes, mais surtout la notion de fonction conjuguée).

Fonction d'une seule variable modifier

Définition modifier

 
Une fonction convexe non différentiable (en bleu) et deux de ses minorantes affines exactes en   (rouge). Le sous-différentiel de cette fonction en   est l'ensemble des pentes de ces minorantes affines exactes en  .

De manière rigoureuse, une sous-dérivée d'une fonction convexe   en un point   de l'intervalle ouvert   est un nombre réel   tel que

 

pour tout   dans  . On peut montrer que si   est dans l'intérieur de  , l'ensemble des sous-dérivées en   est un intervalle fermé non vide, donc de la forme  , avec des bornes   et   données par

 

qui sont finies et qui vérifient  .

L'ensemble   de toutes les sous-dérivées est appelé le sous-différentiel de la fonction   en  .

Exemples modifier

Considérons la fonction f(x)=|x| qui est convexe. Alors, le sous-différentiel à l'origine est l'intervalle [−1, 1]. Le sous-différentiel en n'importe quel point x0<0 est le singleton {−1} et le sous-différentiel en n'importe quel point x0>0 est le singleton {1}.

Propriétés modifier

  • Une fonction convexe f:IR est différentiable en x0 si et seulement si le sous-différentiel ne contient qu'un seul point, qui est alors la dérivée de f en x0.
  • Un point x0 est un minimum local de f si et seulement si zéro est contenu dans le sous-différentiel, c'est-à-dire, dans la figure ci-dessus, on peut tracer une droite horizontale "sous-tangente" au graphe de f en (x0, f(x0)). La dernière propriété est une généralisation du fait que la dérivée d'une fonction dérivable en un minimum local est nulle.

Fonction définie sur un espace euclidien modifier

On suppose dans cette section que   est un espace euclidien (de dimension finie donc) dont le produit scalaire est noté   et la norme associée  . On note par ailleurs

  •   la droite réelle achevée,
  •   le domaine d'une fonction  , qui peut donc prendre la valeur   sur son domaine,
  •   l'ensemble des fonctions   qui sont convexes (c'est-à-dire, leur épigraphe est convexe) et propres (c'est-à-dire, elles ne prennent pas la valeur   et ne sont pas identiquement égales à  ),
  •   la partie de   formée des fonctions qui sont aussi fermées (c'est-à-dire, leur épigraphe est fermé),
  •   l'intérieur et   l'intérieur relatif d'un convexe  .

Définition modifier

La notion de sous-différentiel peut être généralisée à une fonction convexe de plusieurs variables réelles, pouvant également prendre la valeur  . Cette dernière extension trouve son utilité, par exemple en optimisation, lorsque la fonction résulte d'une construction qui n'assure pas a priori la finitude des valeurs qu'elle prend. Comme pour la notion de gradient, on a besoin que l'espace sur lequel est définie la fonction soit muni d'un produit scalaire si l'on veut construire des objets dans cet espace et non dans son dual. Les concepts seront mieux révélés en travaillant sur un espace euclidien abstrait, qui pourra, si on le souhaite, être vu comme   muni du produit scalaire euclidien.

Sous-gradient — Soit  , une fonction convexe et propre. On dit que   est un sous-gradient de   en   si l'une des propriétés équivalentes suivantes est vérifiée :

  1.  ,
  2.  ,
  3.   minimise  ,
  4.  ,
  5.  .

La lettre   renvoie à slope (pente) ou sous-gradient (si l'on préfère). La propriété 1 exprime le fait que la fonction   est une minorante linéaire de la fonction dérivée directionnelle   (que l'on sait toujours exister lorsque   est convexe), exacte en  . La propriété 2 exprime le fait que la fonction   est une minorante affine de   exacte en  . Les propriétés 4 et 5 expriment la même chose que la propriété 2 en utilisant la fonction conjuguée   de  .

Sous-différentiel — L'ensemble des sous-gradients de   en   est appelé le sous-différentiel de   en  . Il est noté

 

On dit que   est sous-différentiable en   si  . Par convention,   si  .


Propriétés modifier

Optimalité modifier

La propriété 2 de la définition du sous-différentiel permet d'obtenir immédiatement une expression simple de l'optimalité d'un point.

Condition d'optimalité — Soit  . Un point   minimise   sur   si, et seulement si,  .

Cette condition nécessaire et suffisante d'optimalité du premier ordre (ainsi qualifiée parce qu'elle ne fait intervenir que les « dérivées » premières de la fonction) est typique des problèmes d'optimisation convexes (voir la section Conditions du premier ordre sans contrainte de l'article Conditions d'optimalité).

Trouver les minimiseurs d'une fonction convexe propre revient donc à trouver les « zéros » de son sous-différentiel. Ce résultat est à rapprocher de celui selon lequel les minimiseurs d'une fonction convexe différentiable sont les points qui annulent son gradient. Ce résultat est plus riche qu'il ne paraît à première vue. En effet, du fait que la fonction peut prendre la valeur  , il traite également de la minimisation d'une fonction convexe sous contraintes convexes (l'ensemble admissible étant le domaine de la fonction).

Lorsque   est polyédrique, on a les caractérisations supplémentaires suivantes[2], liées au concept de minimum saillant.

Caractérisations de l'intériorité relative et de l'unicité d'un minimiseur de fonction polyédrique — Soit   une fonction polyédrique. Alors

 

La polyédricité de la fonction joue un rôle majeur dans les caractérisations précédentes. Ainsi chacune des implications de la première équivalence peut être fausse pour une fonction non polyédrique : l'implication " " est fausse pour la fonction   en   et l'implication " " est fausse pour la fonction   en  . Pour la seconde équivalence, l'implication " " est fausse pour la fonction   en  , mais l'implication " " reste vraie même si   n'est pas polyédrique.

Règle de bascule modifier

Les sous-différentiels de   et de sa conjuguée   jouissent d'une belle règle de réciprocité, parfois appelée règle de bascule[3].

Règle de bascule — 

  1. Si  , alors  .
  2. Si  , alors  .

La réciproque n'a pas lieu au point 1, pour la fonction   ci-dessous

 

puisque l'on a  , alors que  .

Sous-différentiabilité modifier

Rappelons que l'on dit que   est sous-différentiable en   si  . Affirmer qu'un ensemble est non vide est une propriété forte qui, dans certains cas, revient à montrer qu'un certain problème a une solution.

La propriété 1 définissant un sous-gradient  , à savoir

 

montre clairement que   ne peut être sous-différentiable en   si la dérivée directionnelle   prend en une direction la valeur   puisque le membre de droite de l'inégalité ci-dessus est toujours fini. La réciproque de cette observation est le sujet de la proposition qui suit. Une telle situation se présente pour la fonction convexe définie par

 

Cette fonction n'est pas sous-différentiable en zéro, parce que  . Évidemment, si  , alors  , mais ce n'est pas la valeur   de la dérivée directionnelle qui empêche   d'être sous-différentiable en  . C'est ce que montre la fonction indicatrice de l'intervalle  , dont le sous-différentiel en zéro est l'intevalle  .

Sous-différentiabilité — Si   et  , les propriétés suivantes sont équivalentes :

  1.   est sous-différentiable en  ,
  2. il existe   tel que  ,
  3.   ne prend pas la valeur  .

Ces propriétés sont vérifiées si  .

Propriétés géométriques et topologiques modifier

On note ci-dessous   l'enveloppe affine d'une partie  .

Propriétés géométriques et topologiques du sous-différentiel — Soient  ,   le sous-espace vectoriel parallèle à  ,   le projecteur orthogonal sur   et  . On note   la restriction de   à  . Alors

  1.  , en particulier  ,
  2.   est convexe et fermé (éventuellement vide),
  3.   est non vide et borné,
  4.   est non vide et borné.

Si   ne prend que des valeurs réelles, alors   et son sous-différentiel est un ensemble non vide, convexe et compact (par les points 2 et 4).

Formule du max modifier

Le sous-différentiel peut être défini en utilisant la dérivée directionnelle (propriété 1 de la définition). La proposition suivante montre que l'on peut retrouver les dérivées directionnelles à partir du sous-différentiel :   est la fonction d'appui de  .

Formule du max — Si   et  , alors

 

Le supremum est atteint si  .

Le résultat précédent ne tient plus si   est sur la frontière relative du domaine de  . Voici un contre-exemple :   est l'indicatrice de la boule-unité fermée de  , pour la norme euclidienne, et  . Alors   et si   :

 

Dès lors, la fonction   n'est pas fermée et ne peut donc être la fonction d'appui d'un ensemble, en particulier elle n'est pas la fonction d'appui du sous-différentiel. D'ailleurs, ce dernier s'écrit   et

 

est l'enveloppe convexe fermée de  . Cette propriété est tout à fait générale pour les fonctions de  .

La multifonction sous-différentiel modifier

On peut voir   comme une multifonction ou fonction multivoque, qui à un élément de   fait correspondre une partie de  , c'est-à-dire un élément de l'ensemble   des parties de  . On note

 

cette correspondance.

Rappelons quelques notions d'analyse multifonctionnelle. Soit   une multifonction. On définit le domaine, l'image et le graphe de   respectivement par

 

On notera bien que l'on a choisi de définir le graphe comme une partie de   et pas de  . La multifonction réciproque   de la multifonction   est définie en   par

 

Lorsque   est un espace euclidien dont le produit scalaire est noté   et que  , on dit que   est monotone si

 

On dit que   est monotone maximale si   est monotone et si son graphe n'est pas strictement contenu dans le graphe d'un opérateur monotone. On vérifie facilement que cette dernière propriété s'écrit aussi

 

Dans le résultat ci-dessous, on note   la conjuguée de  .

La multifonction sous-différentiel — Si  , alors

  1.   ;
  2.   ;
  3.   est fermé ;
  4. la multifonction   est monotone.

Si  , alors

  1.   ;
  2.   ;
  3. la multifonction   est monotone maximale.

On rappelle que   est fortement convexe, de module  , si pour tout   et   et pour tout  , on a

 

Rappelons aussi qu'une multifonction   est dit fortement monotone, de module  , si

 

La forte convexité de   peut s'exprimer par la forte monotonie de  [4].

Sous-différentiel fortement monotone — Pour une fonction   et un réel  , les propriétés suivantes sont équivalentes :

  1.   est fortement convexe de module  ,
  2.   est fortement monotone de module  ,
  3.   et  , on a

     

Lien avec la différentiabilité modifier

Rappelons les trois notions de différentiabilité d'une fonction   dont il est question dans cette section. On suppose que   est finie au point   où sont prises ces dérivées.

  • On dit que   a une dérivée partielle en   suivant un vecteur   si la fonction   est différentiable en  .
  • On dit que   est Gâteaux-différentiable en   si la dérivée directionnelle   existe pour tout   et si   est linéaire.
  • On dit que   est Fréchet-différentiable en   s'il existe un vecteur   tel que
     
    Dans ce cas, le vecteur   est appelé le gradient de   en  . On le note
     
    D'après la définition, si   est Fréchet-différentiable en  ,   prend des valeurs finies dans un voisinage de  .

Ces trois propriétés sont de plus en plus fortes (la Fréchet-différentiabilité implique la Gâteaux-différentiabilité, qui implique elle-même la différentiabilité partielle). Pour une fonction convexe, les trois notions sont équivalentes[5], si bien qu'il n'y a alors pas lieu de faire de distinction entre celles-ci.

Gâteaux et Fréchet différentiabilité — Soient   et  . On note   la dimension de  . Alors les propriétés suivantes sont équivalentes :

  1.   a des dérivées partielles en   suivant   directions linéairement indépendantes,
  2.   est Gâteaux-différentiable en  ,
  3.   est Fréchet-différentiable en  .

Le résultat suivant[6] établit un lien entre la différentiabilité et la sous-différentiabilité : en bref, une fonction est différentiable en un point si, et seulement si, elle est sous-différentiable en ce point et son sous-différentiel est un singleton.

Différentiabilité et sous-différentiabilité — Soient   et  .

  1. Si   est différentiable en  , alors  .
  2. Si   est le singleton  , alors   est différentiable en   et  .

Calcul sous-différentiel modifier

Combinaison conique modifier

Voici une conséquence immédiate de la définition du sous-différentiel.

Multiplication par un scalaire positif — Soit  ,   et  . Alors

 

On remarquera bien que le scalaire multiplie une fonction dans le membre de gauche de l'identité ci-dessus et un ensemble dans son membre de droite.

À l'inverse, comme le montrera un exemple ci-dessous, l'égalité entre le sous-différentiel de la somme de fonctions convexes et la somme des sous-différentiels n'est pas nécessairement assurée. On aura certainement l'égalité si toutes les fonctions ne prennent que des valeurs finies. On notera également que la somme se fait sur des fonctions dans le membre de gauche de l'identité et sur des ensembles dans celui de droite.

Sous-différentiel d'une somme — Soient   et  . Alors

 

avec égalité si

 

Dans cette dernière condition, on peut remplacer   par   si   est polyédrique.

Voici un exemple où l'égalité n'est pas assurée dans la formule de la somme (  est la fonction indicatrice de  ):

 

Comme la somme   est l'indicatrice de  , on a  , alors que  , parce que  .

Pré-composition par une fonction affine modifier

Le cadre est le suivant. On dispose d'une fonction affine   entre deux espaces euclidiens   et  . Celle-ci est supposée être définie en   par

 

  est linéaire et  . On note   l'Image directe de   par   et   l'application linéaire adjointe de   pour les produits scalaires que l'on s'est donnés sur   et  , défini donc par la relation

 

L'application affine   est composée avec une application  .

Sous-différentiel d'une pré-composition par une fonction affine — Dans le cadre défini ci-dessus, si  , alors pour tout   :

 

avec égalité si l'une des conditions suivantes est vérifiée :

  •  ,
  •   et   est polyédrique.

Fonction marginale modifier

Soient   et   deux espaces euclidiens et   une fonction. On associe à cette dernière la fonction marginale   définie par :

 

Le sous-différentiel de   dépend de celui de   qui est supposé calculé pour le produit scalaire de   suivant :  .

Sous-différentiel d'une fonction marginale — Dans le cadre défini ci-dessus, supposons que   et que  . Si   et   (l'infimum est atteint en  ), alors

 

Ce résultat appelle quelques remarques.

  1. Il faut bien noter que, si la borne inférieure   est atteinte en plusieurs  ,   ne dépend pas du minimiseur   choisi.

    On a un autre éclairage sur cette indépendance par rapport à   en observant que   est constante sur l'ensemble     minimise  , si bien que   est aussi constant sur l'intérieur relatif de  . Cependant   peut varier lorsque   passe de l'intérieur relatif de   à son bord. C'est le cas de la fonction définie par  , dont la fonction marginale est nulle :

     

  2. D'autre part, si   est différentiable en  , où   est un minimiseur quelconque de  , alors   est également différentiable en   (car son sous-différentiel est un singleton) et on a

     

    C'est comme s'il y avait un minimiseur unique  , fonction différentiable de  , que l'on écrivait   et que l'on calculait   par une dérivation en chaîne :

     

    On retrouverait le résultat ci-dessus en observant que   car   minimise  .
  3. Le fait que   ait un minimum unique n'implique nullement la différentiabilité de la fonction marginale en  . Par exemple,   est la fonction marginale de   définie par  . Cette dernière a un minimum   unique en   quel que soit  , alors que   peut ne pas être différentiable.

Fonctions concave et convexe-concave modifier

Certaines constructions conduisent naturellement à des fonctions concaves plutôt que convexes. Il en est ainsi, par exemple, lorsque l'on prend l'enveloppe inférieure d'une famille de fonctions linéaires (la fonction duale d'un problème d'optimisation est construite de cette manière). On peut alors prendre le sous-différentiel de la fonction opposée, qui est convexe, mais il est parfois plus naturel de se passer de la multiplication par moins un. Si   est concave, on définit donc le sous-différentiel concave de cette fonction en un point   où elle est finie, comme l'ensemble noté et défini par

 

Certains auteurs ne mettent pas le signe   au-dessus de   ; il faut alors se rappeler que   est concave. Si   est concave différentiable, son sous-différentiel concave se réduit bien au gradient de  . Les propriétés suivantes sont équivalentes :

  •  ,
  •  ,
  •  ,
  •   maximise  .

Il est aussi intéressant de définir le sous-différentiel d'une fonction convexe-concave. Si   et   sont deux espaces vectoriels, on dit que   est convexe-concave si

  • pour tout  ,   est convexe et
  • pour tout  ,   est concave.

Le lagrangien d'un problème d'optimisation convexe avec contraintes a cette propriété. La situation est plus complexe que dans le cas d'une fonction concave, car il ne suffit pas de multiplier (une partie de) la fonction par   pour retrouver une fonction convexe et lui appliquer la notion de sous-différentiel convexe que l'on connait.

Sous-gradient d'une fonction convexe-concave — Soient   et   deux espaces vectoriels et   une fonction convexe-concave. On dit que   est un sous-gradient (convexe-concave) de   en un point    prend une valeur finie si   vérifie l'une des propriétés équivalentes suivantes :

  1.   et  ,
  2.  ,
     ,
  3.   est un point-selle de  .

On note   l'ensemble des sous-gradients et on le nomme le sous-différentiel (convexe-concave) de  . Par convention, ce sous-différentiel est vide si   n'est pas fini.

De manière synthétique :

 

Dans cette définition, on a noté   le sous-différentiel ordinaire en   de la fonction convexe   et   le sous-différentiel concave en   de la fonction concave  . Certains auteurs ne mettent pas le signe   au-dessus de   ; il faut alors se rappeler que   est convexe-concave.

Exemples modifier

Voici quelques exemples de sous-différentiels de fonctions convexes classiques.

Fonction indicatrice modifier

On suppose ici que   est un espace euclidien et que   est un convexe de  .

Le sous-différentiel de la fonction indicatrice   est le cône normal   de   :

 

Norme modifier

Soit   une norme sur un espace euclidien  , non nécessairement dérivée du produit scalaire   de  . On introduit la norme duale

 

et la boule-unité duale fermée

 

Une norme est évidemment une fonction convexe (par l'inégalité triangulaire), partout sous-différentiable (elle ne prend que des valeurs finies). Son sous-différentiel est donné par les formules

 

En particulier :

  • si  , les sous-gradients   sont sur la frontière de   :   ;
  •  .


La puissance   d'une norme

 

est aussi une fonction convexe (composition de fonctions convexes dont la seconde est croissante) propre (elle ne prend que des valeurs finies) fermée (elle est continue) et partout sous-différentiable (elle ne prend que des valeurs finies). Son sous-différentiel est donné par les formules

 

  est le nombre conjugué de   :

 

La dernière expression du sous-différentiel   rappelle la dérivation en chaîne de la composition de   et de  .

Distance à un convexe modifier

Soit   une norme sur un espace euclidien  , non nécessairement dérivée du produit scalaire   de  . On introduit la norme duale

 

et la boule-unité duale fermée

 

Soit   un ensemble convexe fermé non vide de  . On considère la fonction  , la distance à  , définie par

 

C'est une fonction convexe propre et fermée (elle ne prend que des valeurs finies). On note   une projection d'un point   sur   : c'est une solution du problème  . Cette dernière n'est pas nécessairement unique car la norme n'est pas nécessairement associée à un produit scalaire.

Le sous-différentiel en   de la distance à   est donné par la formule

 

  pour tout   est le cône normal à   en  .

Lorsque la norme   est celle associée au produit scalaire  , les boules-unités primale et duale coïncident (c'est-à-dire,  ) et on a les propriétés suivantes :

  • si  , alors   est différentiable en   et   ;
  • si  , l'intérieur de  , alors   est différentiable en   et   ;
  • si  , la frontière de  , alors  .

En l'absence de convexité d'un ensemble  , la distance   n'est pas nécessairement différentiable sur le complémentaire de  .

Valeur propre maximale modifier

On note   l'ensemble des matrices réelles d'ordre   symétriques, que l'on munit du produit scalaire canonique   (  désigne la trace de la matrice  ). On note aussi   le cône de   formé des matrices semi-définies positives. On note enfin

 

l'application valeur propre maximale, qui à une matrice symétrique   associe sa plus grande valeur propre (on rappelle qu'une matrice symétrique d'ordre   a   valeurs propres réelles). C'est une fonction propre, convexe et continue (donc fermée). Son sous-différentiel en   est donné par la formule

 

  désigne l'enveloppe convexe d'un ensemble  . L'enveloppe convexe ci-dessus est compacte (par exemple, parce que le sous-différentiel d'une fonction convexe ne prenant que des valeurs finies, comme  , l'est).

On en déduit que :

  • si   est simple,   est différentiable en   et son gradient s'écrit alors
     
      sont les uniques vecteurs propres unitaires associés à la valeur propre maximale ;
  •   ;
  • la dérivée directionnelle de   en   dans la direction   s'écrit
     
      est une matrice dont les colonnes forment une base orthonormale de l'espace propre associé à  .

Fonction spectrale modifier

La présentation ci-dessous synthétise celles de Lewis (1996), Hiriart-Urruty (1998), Borwein et Lewis (2000).

On note   l'ensemble des matrices réelles d'ordre   symétriques, que l'on munit du produit scalaire canonique  , la trace de la matrice  . Par ailleurs, pour  , on note   le vecteur formé des composantes de   en ordre décroissant.

On se donne une fonction   symétrique, c'est-à-dire qui vérifie

 

ce qui revient à dire que l'on ne modifie pas la valeur de   en permutant les composantes de  . On note

 

la fonction donnant les valeurs propres de   en ordre décroissant :

 

On appelle fonction spectrale une fonction de la forme  , avec   et   comme ci-dessus. Ce sont donc des fonctions définies sur  , mais dont les valeurs ne dépendent que du spectre des matrices.

On peut alors caractériser la convexité-fermeture de   à partir de celle de  [7].

Convexité-fermeture d'une fonction spectrale — Dans le cadre défini ci-dessus, si   est symétrique, alors

 

On peut aussi calculer le sous-différentiel de   à partir de celui de  .

Sous-différentiel d'une fonction spectrale — Dans le cadre défini ci-dessus, si   est symétrique, alors les trois propriétés suivantes, reliant   et  , sont équivalentes :

  1.  ,
  2.   et  ,
  3. il existe une matrice orthogonale   et des vecteurs  ,   tels que

 

On peut enfin caractériser la différentiabilité de   à partir de celle de  .

Différentiabilité d'une fonction spectrale — Dans le cadre défini ci-dessus, si   est symétrique,   est différentiable en   si, et seulement si,   est différentiable en  . Dans ce cas, si   est une matrice orthogonale telle que  , on a

 

Les fonctions spectrales sont fréquemment rencontrées. En voici quelques-unes, construites à partir de fonctions  , donnant donc lieu à des fonctions  . Dans le tableau ci-dessous, les entiers   et   peuvent être choisis arbitrairement dans  , un vecteur de   dont toutes les composantes sont strictement positives est signalé par  , une matrice   définie positive est signalée par  .

   
   
   
   
   
   


Fonction définie sur un espace localement convexe modifier

La présentation ci-dessous synthétise celle de Bonnans et Shapiro (2000).

Cadre modifier

On suppose donnés deux espaces espaces vectoriels topologiques localement convexes   et   sur   couplés, dans le sens où il existe une application bilinéaire continue

 

telle que

  • le dual topologique de   coïncide avec  ,
  • le dual topologique de   coïncide avec  .

Comme exemples de tels couples d'espaces vectoriels topologiques localement convexes, citons

Définitions modifier

Les définitions de sous-gradient, de sous-différentiel et de sous-différentiabilité sont essentiellement les mêmes que celles introduites en dimension finie.

Sous-gradient, sous-différentiel, sous-différentiabilité — Soit  , une fonction convexe et propre. On dit que   est un sous-gradient de   en   si l'une des propriétés équivalentes suivantes est vérifiée :

  1.  ,
  2.   minimise  ,
  3.  ,
  4.  .

L'ensemble des sous-gradients de   en   est appelé le sous-différentiel de   en   ; il est noté

 

On dit que   est sous-différentiable en   si  . Par convention,   si  .

Annexes modifier

Notes modifier

  1. Voir Clarke (1983).
  2. La caractérisation de l'intériorité relative est peut-être due à Gilbert (2015). La caractérisation de l'unicité peut s'obtenir à partir de résultats plus généraux de Burke et Ferris (1993).
  3. J.-B. Hiriart-Urruty (2013). Bases, outils et principes pour l’analyse variationnelle. Mathématiques et Applications 70. Springer Verlag.
  4. Proposition 6 chez Rockafellar (1976).
  5. Proposition IV.4.2.1 chez Hiriart-Urruty et Lemaréchal (2001).
  6. Théorème 25.1 chez Rockafellar (1970).
  7. Voir Davis (1957) et la section 5.2 chez Borwein et Lewis (2000).

Bibliographie modifier

  • (en) A. Auslender, M. Teboulle (2003). Asymptotic Cones and Functions in Optimization and Variational Inequalitites. Springer Monographs in Mathematics. Springer, New York.
  • (en) J. F. Bonnans, A. Shapiro (2000). Perturbation Analysis of Optimization Problems. Springer Verlag, New York.
  • (en) J.M. Borwein, A.S. Lewis (2000). Convex Analysis and Nonlinear Optimization. Springer, New York.
  • (fr) H. Brézis (1973). Opérateurs Maximaux Monotones et Semi-groupes de Contractions Dans les Espaces de Hilbert. Mathematics Studies 5. North-Holland, Amsterdam. (ISBN 978-0-7204-2705-9).
  • (en) J.V. Burke, M.C. Ferris (1993). Weak sharp minima in mathematical programming. SIAM Journal on Control and Optimization, 31, 1340–1359. DOI
  • (en) C. Davis (1957). All convex invariant functions of Hermitian matrices. Archiv der Mathematik, 8, 26-278.
  • (en) F.H. Clarke (1983). Optimization and Nonsmooth Analysis. John Wiley & Sons, New York.
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