Fouquet's

restaurant parisien

Le Fouquet's est un restaurant situé 99 avenue des Champs-Élysées dans le 8e arrondissement de Paris[1]. Il tient son nom de son propriétaire Louis Fouquet, qui a développé et rendu célèbre l'endroit. La salle du rez-de-chaussée est inscrite à l'inventaire des monuments historiques depuis 1990[2]. Le restaurant dispose de deux terrasses, l'une côté Champs-Élysées et l'autre côté George V.

Fouquet's
Façade du Fouquet's.
Présentation
Type
Destination initiale
Bar américain
Destination actuelle
Hôtel, restaurant et brasserie
Style
Architecte
Inconnu, modification de la façade avenue Georges V par Edouard François.
Construction
1862
Commanditaire
Joseph Thome
Propriétaire
Patrimonialité
Site web
Localisation
Pays
Commune
Adresse
Coordonnées
Carte

Architecture et historique du bâtiment modifier

Joseph Thome modifier

La parcelle cadastrale du Fouquet's est située à un angle, entre l'avenue des Champs-Elysées et l'avenue Georges V. Cette parcelle ainsi que l'immeuble est achetée dans un premier temps à l'entrepreneur Joseph Thome. Il se trouve au rez-de-chaussée une brasserie, dénommée Brasserie anglaise[3]. Joseph est un nom important de l'époque. Né sous l’Empire en 1809, son parcours illustre l’ascenseur social que figurent les transformations urbaines pour nombre de ses contemporains. Originaire de la commune de Bagnols-sur-Cèze dans le Gard, son père Ambroise Thome officie comme chaudronnier. À 21 ans, encore mineur selon la loi, Joseph Thome quitte le foyer parental dont les ressources sont maigres. À sa mort, six décennies plus tard, il laisse une fortune estimée à 48 millions de francs. Joseph a une ambition précise pour la parcelle du 99 avenue des Champs-Elysées :

« Tout le périmètre compris entre les avenues Montaigne, — ancienne “allée des Veuves”, — des Champs-Elysées, Kléber et le quai de Billy, fut remanié par Joseph Thome de 1860 à 1870. Ces travaux, qui comprenaient le percement des avenues d’Iéna, Marceau, de l’Alma, du Trocadéro, des rues Pierre-Charron et de dix autres de moindre importance, ne l’empêchaient pas de porter aussi son activité sur la rive gauche (...) Les immeubles qu’il avait construits, il se hâtait de les vendre pour en édifier d’autres"[4].

Inscription à l'inventaire supplémentaire des Monuments Historiques modifier

Le Fouquet's est monument historique par l’arrêté du 10 décembre 1990. À l’article 1er , on rappelle : « sont inscrits sur l’inventaire supplémentaire des Monuments Historiques la salle du rez-de-chaussée et la salle et les salons de l’entresol, avec leur décor, de la partie de l’immeuble abritant le restaurant le Fouquet’s"[5]. La salle a été décorée par Jean Royère en 1958. En 1988, à la suite de l’expiration du contrat de bail, le consortium koweïtien propriétaire des murs donne congé. Un comité de soutien mené par José Artur, Roger Hanin, Christine Gouze-Rénal, Jean-Paul Belmondo, Jacques Chancel, Robert Hossein, Robert Sabatier, Odette Ventura, Henri Verneuil, Léon Schwartzenberg et Jean-Michel Folon milite et pose la question des lieux de mémoires proposés par l'historien Pierre Nora. lLe ministre de la Culture Jack Lang donne suite au dossier et le dossier d'inscription est acte. [5].

Travaux des années 2000 modifier

 
Troué-Moulé, Edouard François https://www.edouardfrancois.com/projects/hotel-fouquets-barriere

Suite à la reprise du restaurant et des étages par le groupe Barrière[6], une politique de travaux est mises en œuvre. Deux cabinets d’architectures se succèdent dans une opération qui a pour but la création d’un hôtel : Édouard François puis le cabinet Vous êtes ici. Edouard François est un ancien élève de Beaux-Arts et des Ponts et Chaussées. Ses travaux sont l’objet de recensions par la presse spécialisée[7]. L’empreinte qu’il laisse à l’ensemble immobilier témoigne à la fois de son double cursus (Beaux-Arts et Ponts), tout comme de la forte identité architecturale du quartier. L’enjeu est d’unifier des façades d’un ensemble à la fois hétéroclite (immeubles haussmanniens comme contemporains), avec des axes forts (Haussmann) ou médiocres.

La solution proposée rassemble ces deux impératifs à travers une technique du « troué-moulé »[8]. Très précisément, afin de donner du relief à des façades non haussmanniennes, Édouard François scanne les façades dont le dessin est celui des bâtiments et la projette à plat en béton[9].

Création du Fouquet's modifier

Louis Fouquet modifier

 
Le Figaro, 28 septembre 1898.

Selon la légende, ce serait en 1899 que Louis Fouquet achète « The Criterion », un estaminet pour cochers de la célèbre avenue parisienne, qu'il transforme en bar de luxe rebaptisé « The Criterion-Fouquet's Bar », à la mode anglo-américaine de l'époque, à l'instar de son célèbre confrère parisien Maxim's de la rue Royale. Malheureusement, l'anecdote est fausse. Louis Fouquet possède un premier établissement, rue Saint Lazare, à Paris. Le 28 septembre 1898, dans la presse nationale par le quotidien Le Figaro, l'ouverture du Fouquet's est annoncée. Louis Fouquet met en place dans son bar la mode des cocktails. En 1911, on note la naissance dans ce même mouvement professionnel du Harry's Bar à Paris. L'immeuble est moderne et proche des préoccupations de l'hygiène. Joseph Thome décide, dès 1893, de pourvoir l’immeuble du Fouquet’s du tout à l’égout. Il est alors à contre-courant de nombreux propriétaires qui le refusent[10].

L'oeuvre de Léopold Mourier modifier

Louis Fouquet décède en 1905 de la typhoïde. Son beau-frère Léopold Mourier reprend la gestion de l'établissement en attendant la majorité des deux enfants de Louis Fouquet. Mourier est un nom important du monde de la restauration de la Belle Epoque. Il n’a pas trente ans lorsqu’il acquiert le restaurant Foyot (1891), bientôt suivi du Café de Paris (1897) et du Pavillon d’Armenonville (1900). En 1908, le Pré Catelan rejoint cet ensemble. En 1903, Léopold Mourier devient président de la Mutuelle des cuisiniers de Paris. . Il crée une fondation éponyme, qui gère une maison à destination des cuisiniers. Il fait don de sa propriété à la Société des cuisiniers. Mourier s’avère ainsi un organisateur efficace, gratifié de la légion d'honneur en 1922. il oeuvre pour la fondation de la À La Revue Culinaire collabore Francis Carton son ami, Prosper Montagné en tant que rédacteur en chef, Philéas Gilbert et Émile Fétu qui ont participé à l’élaboration du Guide culinaire. Sous son impulsion, le Fouquet's devient un restaurant important de l'avenue des Champs-Elysées.

Notoriété modifier

Restaurant de la vie mondaine parisienne, plusieurs clients célèbres l'ont fréquenté comme Raymond Poincaré, Theodore Roosevelt, Aristide Briand, Paul Poiret, Alberto Santos-Dumont, Ettore Bugatti, Pierre Brasseur, Colette, Liane de Pougy, l'Aga Khan III[11].

La proximité avec les maisons de productions du quartier explique également la popularité du restaurant dans l'industrie du cinéma français, chez ses acteurs comme ses producteurs. Il est ainsi logique d'y trouver Raimu (qui vit 17 rue Washington et qui fait du Fouquet's voisin sa cantine et son « bureau »), Marcel Pagnol, Fernandel, Tino Rossi, Marcel Carné, Sacha Guitry, Maurice Chevalier, Henri-Georges Clouzot, Joséphine Baker, Marlene Dietrich, Sophia Loren, Jeanne Moreau, Michèle Morgan, Jean Gabin, Lino Ventura, Alain Delon, Gene Kelly, Orson Welles, Yves Montand et Simone Signoret, Catherine Deneuve, Marcello Mastroianni, Michel Galabru, Charles Aznavour, Kirk Douglas ou encore Gérard Depardieu, François Truffaut, Jean-Luc Godard et Claude Chabrol.

Cependant, le restaurant est aussi pourvue d'une solide notoriété grâce à son chef Pierre Goubert puis le chef Pierre Ducroux, il obtient régulièrement des étoiles et la reconnaissance du Guide Michelin (par exemple dans l'édition de 1968[12]. Le propriétaire Maurice Casanova investit l'établissement au milieu des années 1970. Son association avec Georges Cravenne lui permet d'affermir les liens du restaurant avec l'industrie du cinéma lors du Déjeuner des Cesar.

Marque et reprise par le groupe Barrière modifier

En 1998, Diane Barrière-Desseigne, fille adoptive de Lucien Barrière, acquiert le Fouquet's, auquel son époux Dominique Desseigne ajoute en 2006 l'hôtel Fouquet's Barrière. Le groupe Barrière a acheté la marque, qu'il a déclinée à travers des brasseries dans ses différents hôtels (Le Majestic, Courchevel, La Baule, Marrakech, Toulouse, Enghien-les-Bains, Montreux, Abu Dhabi). Une ouverture a eu lieu à New York[13].

Un exemple du monde de la restauration modifier

Monographies de la vie d'un restaurant modifier

L'histoire du Fouquet's a fait l'objet de publications et de légendes diverses. Raymond Castans publie dans l'objectif de l'inscription du lieu à l'inventaire des monuments historiques l'ouvrage Parlez-nous du Fouquet's[14]. Ce livre reprend principalement des entretiens avec les clients du lieu et répond à la commande d'un matériel pour la commission d'attribution. Puis, les éditions du Cherche Midi publient Fouquet's, légende du siècle, dix ans plus tard[15]. L'ouvrage présente plusieurs clichés de la vie de l'établissement. Dans chacun de ses ouvrages, les sujets traités demeurent ceux colportés (un estaminet pour cocher, un restaurant pour l'univers du spectacle). En 2019, l'historienne Marion Godfroy-Tayart de Borms s'attèle à un autre travail, 99 Champs-Elysées, une histoire inédite du Fouquet's[16]. Spécialiste de l'histoire des arts culinaires, prix Antonin Carême, elle s'appuie sur des sources de première main et cite dans son travail de nombreux documents inédits découverts en archives (les Archives nationales, le Minutier central, les Archives de Paris et des fonds d'archives privées). Le journal Le Parisien recense les avancées de ce travail dans un article en date du . Elle retrouve la véritable date de naissance du lieu et indique qu'il n'a jamais été un estaminet[17]. Au lieu d'une succession d'anecdotes, son travail s'inscrit au contraire dans la question historiographique du restaurant[18] et sa compréhension par les historiens des arts culinaires comme un fait d'histoire social total[19].


Prix remis au Fouquet's modifier

 
Photo de l'équipe de la brasserie (César 2016).


Faits divers modifier

 
Le Fouquet's saccagé lors de l'acte XIX du mouvement des Gilets jaunes le .
  • Les frères et sœur Lina, Pierre et Michel Renault, trois modestes retraités bourguignons, se sont battus aux tribunaux pendant des dizaines d'années jusqu'en 1992, pour faire valoir sans succès leur héritage présumé du Fouquet's. Héritage de la comtesse Octavie de Coëtlogon, décédée en 1865 sans héritiers, qui avait légué sa fortune à son mari et à son cousin germain Joseph-Paul Mauprivez, qui avait lui-même transmis son héritage aux grands-parents des frères et sœur Renault[22],[23].
  • Le , au soir de sa victoire à l'élection présidentielle, Nicolas Sarkozy fête l'événement au Fouquet's en compagnie d'une centaine de personnes, famille et amis, dont nombre de grandes fortunes et de personnalités du monde des affaires. Cette soirée sera par la suite largement médiatisée et apparaîtra comme un des symboles « bling-bling » du sarkozysme[24].
  • Le , au cours d'une manifestation des Gilets jaunes, le restaurant est saccagé et un début d'incendie se déclare ensuite dont la cause n'est pas clairement identifiée[25]. À la suite de ces détériorations, la direction annonce que le restaurant sera fermé plusieurs mois pour procéder à des travaux afin de réparer des « dégâts considérables »[26]. Il rouvre le [27].

Notes et références modifier

  1. Voir sur lemonde.fr.
  2. « Fouquet's », notice no PA00088881, sur la plateforme ouverte du patrimoine, base Mérimée, ministère français de la Culture.
  3. Archives nationales (CARAN), Minutier Central, Etude Devès.
  4. G.d’Avenel , « Le Mécanisme de la Vie moderne », in Revue des Deux Mondes, 4e période, tome 140, 1897 (p. 279-309).
  5. a et b « archives monuments historiques », sur archives-ouvertes.fr.
  6. Le Monde, 2 juillet 1998. « Le groupe Barrière (hôtels, casinos, restaurants) a été désigné par le tribunal de Créteil, mardi 30 juin, comme repreneur du célèbre restaurant parisien. Charles Casanova, l'ancien propriétaire, qui avait proposé un plan de continuation soutenu par les 180 salariés, a fait appel mercredi, demandant « un référé pour obtenir la suspension de l'exécution provisoire de cette décision ».
  7. Un article du Financial Times a qualifié l’architecte de « The Hero of Green Architecture ». Cette qualification prenait socle sur la Tower Flowe
  8. https://www.edouardfrancois.com/projects/hotel-fouquets-barriere
  9. Un article du Financial Times a qualifié l’architecte de « The Hero of Green Architecture ». Cette qualification prenait socle sur la Tower Flower.
  10. Jacquemet Gérard,  « Urbanisme parisien : la bataille du tout-à-l'égout à la fin du XIXe siècle », in Revue d’histoire moderne et contemporaine, tome 26 N°4, Octobre-décembre 1979. pp. 505-548.
  11. Philippe Couderc, « La vérité sur le Fouquet's », Challenges,‎ (lire en ligne).
  12. Le Monde, 15 mars 1968.
  13. https://www.latribunedelhotellerie.com/hotel-barriere-fouquets-new-york-lune-des-ouvertures-dhotels-les-plus-attendues-de-2022/#google_vignette
  14. Raymond Castans, Parlez moi du Fouquet's, JC Lattes, .
  15. Fouquet's, Légende du siècle, .
  16. Marion Godfroy Tayart de Borms, 99 Champs Elysées, une histoire inédite du Fouquet's, 2019.
  17. Éric Le Mitouard, « Paris : le Fouquet’s fête ses 120 ans avec gourmandise », leparisien.fr, .
  18. Lang Rebecca, The invention of the Restaurant, Harvard University Press.
  19. Mauss Marcel, Le fait d'histoire social total, PUF.
  20. « Le dîner des César au Fouquet's : on y était », sur Le Figaro, .
  21. Hadrien Gonzales, « Les César se régalent au Fouquet's », Le Figaro.fr, .
  22. « Monopoly – Lina Renault n’est pas propriétaire du Fouquet’s, elle ne paie pas 30 000 euros », sur Le Monde.fr, .
  23. « Trois modestes retraités officiellement propriétaires », L'Obs,‎ (lire en ligne).
  24. Ariane Chemin et Judith Perrignon, La Nuit du Fouquet's, Fayard, (ISBN 978-2213635453 et 2213635455).
  25. « Acte XVIII : les forces de l'ordre ont-elles réellement mis le feu au Fouquet's avec des grenades lacrymogènes ? », Libération,‎ (lire en ligne).
  26. « "Gilets jaunes" : le Fouquet's, restera fermé "plusieurs mois" », sur Le Figaro.fr, .
  27. « La brasserie le Fouquet's, dévasté lors des manifestations “gilets jaunes”, rouvrira pour le défilé du 14 juillet », sur Francetvinfo.fr, .

Bibliographie modifier

  • Raymond Castans, Parlez moi du Fouquet's, JC Lattes, .
  • Fouquet's, légende du siècle, Le Cherche Midi, 1999 (collectif).
  • Marion Godfroy-Tayart de Borms, 99. Champs-Élysées, une histoire inédite du Fouquet's, Barrière, 2019 (présentation).

Voir aussi modifier

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Articles connexes modifier

Lien externe modifier