Élisabeth Boselli
Élisabeth Boselli, née le à Paris et morte le à Lyon[1], fut la première femme pilote de chasse de l'Armée de l'air française[2]. Brevetée au sortir de la Seconde Guerre mondiale, en 1946[3], elle n'eut de cesse de multiplier les exploits. Elle fut détentrice de huit records du monde.
Naissance | |
---|---|
Décès | |
Sépulture | |
Nom de naissance |
Élisabeth Thérèse Marie Juliette Boselli |
Nationalité | |
Formation | |
Activité |
Aviatrice, brevetée pilote de chasse |
Arme | |
---|---|
Grade militaire | |
Conflit | |
Distinction |
Biographie
modifierAvant guerre
modifierÉlisabeth Boselli obtient son diplôme de l'École des sciences politiques de Paris en 1935.
Sa vocation aéronautique se révèle, au hasard d'une conférence sur l'aviation, dans une ancienne chapelle, au travers d'ex-votos. Pour accéder à ce rêve, elle adhère à l'aéro-club du 16e arrondissement de Paris et s'offre, en copropriété, un Léopoldoff 45.
Le , elle obtient le brevet de pilote de tourisme 1er degré et totalise 25 heures de vol. L'année suivante, elle accumule les heures et commence une formation à la voltige au sein de l'École Morane.
Un mois avant le déclenchement de la Seconde Guerre mondiale, les vols civils sont interdits. Son carnet de vol s'arrête le mettant fin brutalement à tout espoir de décrocher le brevet de transport public.
Entrée dans l'Armée de l'air
modifierEn formation en 1938 dans le CAFA de Madeleine Charnaux[4] comme radio opérateur, en 1939 avec le simple brevet de pilote de tourisme, elle n'entre pas dans les conditions de la loi du ni dans celles du sur les auxiliaires de l'Armée de l'air[5].
Le brevet de deuxième niveau du pilote touristique a permis à l'aviatrice de s'enrôler en tant que pilote de la Croix-Rouge.
En avril 1945, elle est engagée volontaire pour la durée de la guerre. Comme les quatre autres femmes qui composent le deuxième groupe, elle est nommée sous-lieutenant. Elle est la dernière à arriver à l'école de Châteauroux. Le premier groupe (Bray, Marzellier, Dupeyron, Jourjon et Lion) préparait ses valises lorsque ce second groupe arrive à Châteauroux : accoutumance pour Yvette Grollet-Briand le 12 avril sur Mauboussin 129 ; le 15 avril pour Suzanne Melk sur Caudron Luciole ; le 19 avril pour Anne-Marie Imbrecq ; le 27 avril pour Geneviève Lefèvre ; 29 avril pour Élisabeth Boselli.
Après une heure de vol et six atterrissages sur Caudron Luciole avec le lieutenant Mérand, la jeune femme est lâchée en solo le [6]. La formation s'accélère sur Mauboussin 129 et Morane-Saulnier MS.315. Elle effectue son dernier vol sur cet avion le 24 juin 1945[6].
En août, elle rejoint l'École des moniteurs de Tours pour devenir monitrice. Ce qui suppose de voler à bord des autres avions présents sur la base de Tours comme l'a expliqué le commandant de l'école, Roger Duval : un avion voltige, le Stampe SV4, le Nord 1001 puis le Douglas A-24B Banshee, un bombardier en piqué transformé en avion d'entraînement par l'Armée de l'air et le Dewoitine D.520[7].
L'accompagnent Suzanne Melk, Geneviève Lefèvre-Seillier et Anne-Marie Imbrecq. Anne Grollet-Briand, enceinte, ne va pas à Tours. En décembre, c'est le lâcher sur Dewoitine D.520. Avec Suzanne Melk, Élisabeth est la seule du groupe à être jugée apte à voler sur le meilleur avion de la campagne de France (le Dewoitine D.520).
Entre leur arrivée et les épreuves du brevet, les 29-31 janvier 1946, Élisabeth Boselli fait plus de 40 heures de Stampe, et Melk plus de 48 heures. Elles volent également sur Nord 1001 et sur Douglas A.24B : 16h10 pour Boselli, 13h25 pour Melk (dont une séance de voltige et une de PSV) sur ce bombardier. Enfin, Suzanne Melk et Élisabeth Boselli sont les deux seules femmes à voler sur Dewoitine D.520. Contrairement à ce qu’a affirmé Gisclon bien des années plus tard. Élisabeth Boselli l’a confirmé en 1981 : « Nous avons été deux à piloter l’avion de chasse Dewoitine 520 monoplace. Avec moi, il y avait Suzanne Melk qui était une très bonne pilote et tout le monde l’admirait en tant que pilote »[8] C’est ce que confirment les carnets de vol des deux femmes et les documents de leur dossier d’officier[9].
Elle passe avec succès les épreuves du brevet militaire de pilote militaire. Elle est brevetée le [3].
En juin 1946, il est mis fin aux vols d'entraînement féminins en raison de réductions budgétaires.
L'Armée de l'air lui délivre les titres et macarons de pilote militaire et la possibilité d'un éventuel emploi administratif. La jeune femme refuse. Élisabeth fréquente alors le centre de vol moteur de Saint-Yan où de grands pilotes de renom lui enseignent leur science et l'aident à poursuivre son rêve.
Période incertaine
modifierEn mai 1947, elle se tourne vers le vol à voile et commence son instruction sur Kranich, un planeur allemand biplace au centre national de Beynes placé sous la houlette de Paul Lepanse, futur recordman de distance. Quatre mois plus tard, elle obtient le brevet D. En novembre, le centre national de vol à voile de Saint-Auban-sur-Durance étudie le vol d'onde se traduisant par des courants aériens ondulatoires formés par situation de mistral. Grâce à eux, les planeurs peuvent atteindre des altitudes jusqu'alors interdites.
Élisabeth se lance dans la compétition. Elle bat une première fois le record du monde féminin en altitude en atteignant 4 800 mètres puis une seconde fois en avril 1948, sur un planeur Meise, qu'elle emporte à 5 600 mètres. Pendant quatre années elle pratique le vol à voile à Beynes, à Challes-les-Eaux, à Saint-Auban-sur-Durance et Fayence.
En 1951, elle rencontre à New York deux aviatrices américaines qui lui proposent une promenade d'essai sur un hydravion, un Luscombe à flotteurs. Elle ne dispose que de dix petits jours pour prendre quelques leçons, passer un examen écrit, se faire lâcher et réussir aux épreuves en vol. Élisabeth tente alors et obtient son brevet d'hydravion.
Retour dans l'Armée de l'air
modifierL'année 1952 marque un grand virage dans la vie de la jeune femme. L'Armée de l'air lui propose de s'entraîner avec l'escadrille de présentation basée à Étampes, équipée de Stampe.
Elle se produit au Maroc et en Algérie, via l'Espagne. Son Stampe qu'elle a baptisé « Le Rossignol » « est un biplan de voltige qui vole encore mieux sur le dos qu'en position normale », affirme-t-elle dans un récit. Le Rossignol, doit descendre tous les 200 kilomètres pour refaire le plein à l'aérodrome le plus proche. Elle se produit à Alger, à Constantine et dans de nombreuses villes de France. Entre deux meetings, elle effectue des séances de formation au vol sans visibilité à Saint-Yan sur des Stampe aménagés afin d'obtenir une qualification de vol aux instruments. Elle profite de sa licence d'instructeur pour entraîner les élèves infirmières pilotes secouristes de l'air à l'aéro-club d'Étampes.
1955, année de ses records du monde
modifierEn 1954, après quelques vols en double commande sur Morane-Saulnier MS-475 Vanneau, elle est lâchée seule sur Republic P-47 Thunderbolt. Le , elle rejoint l'École de chasse de Meknès au Maroc pour être lâchée seule sur De Havilland Vampire et Lockheed T-33 Shooting Star. Elle totalise alors 36 h 30 de vol sur avion à réaction. De retour en France en octobre, elle est transformée sur Mistral. C'est à bord de cet avion sous-équipé, sans radiocompas et doté d'un simple poste de radio VHF de douze fréquences, qu'Élisabeth va battre plusieurs records au cours de l'année suivante.
Le , elle remporte le record du monde féminin de vitesse en circuit fermé de 1 000 km sur le trajet Mont-de-Marsan-La Ciotat avec 746,2 km/h. Un mois plus tard, elle enlève le record du monde féminin de distance en circuit fermé Mont-de-Marsan-Oran-Mont-de-Marsan avec 1 840 km. Et enfin, le , elle bat le record du monde toutes catégories de distance en ligne droite de Creil à Agadir avec 2 331,220 km en 3 h 30.
Guerre d'Algérie
modifierSur sa lancée la jeune femme sollicite de servir en Algérie. En juillet 1957, Élisabeth rendosse l'uniforme et rejoint l'escadrille de liaison aérienne 54, basée à Oued Hamimine. Elle réalise des missions de liaison ainsi que des évacuations sanitaires[10]dans des conditions très difficiles.
En novembre, elle est mutée au groupe de liaisons aériennes, le GLA 45 de Boufarik, où elle se voit confier la mission importante, au moins pour le moral des troupes, de ramasser, d'acheminer et de distribuer le courrier. La « factrice du ciel » suit un itinéraire comprenant treize étapes et touche l'orée du Sahara à Laghouat. Entre-deux elle effectue des largages sur des postes de montagne à Bou-Saada.
Retraite
modifierÀ 45 ans, Élisabeth effectue au total 900 heures de vol, 254 missions au titre du maintien de l'ordre en 729 heures de vol, dont 86 missions de guerre en 274 heures[10]. Elle termine sa carrière comme attaché-rédacteur de première classe (capitaine) à des tâches administratives au service de la navigation aérienne. Elle conserve ce poste jusqu'en 1969, année de son départ à la retraite. Membre des « Vieilles Tiges », elle participe aux travaux de la commission d'Histoire et Littérature dont elle devient peu après la présidente.
Elle était correspondante de l'Académie nationale de l'air et de l'espace depuis 1985.
Elle meurt le à Lyon[11] et est enterrée au nouveau cimetière de la Guillotière[12].
Avec Jacqueline Auriol, Hélène Boucher et Jacqueline Cochran, Élisabeth Boselli fut l'une des aviatrices célèbres qui écrivirent les plus belles pages de l'histoire des records féminins de l'aviation à réaction. Le jardin Élisabeth Boselli lui rend hommage dans le 15e arrondissement de Paris[13].
Distinctions
modifierNotes et références
modifier- ↑ « matchID - Moteur de recherche des décès », sur deces.matchid.io (consulté le )
- ↑ « https://gallica.bnf.fr/blog/14092018/les-femmes-pionnieres-de-la-conquete-de-lair »
- « […] la première femme à être brevetée pilote de chasse. C'était Élisabeth Boselli, brevetée à Tours en 1946 ». Cf. Lucien Robineau (promotion 1951), Le Piège, Revue des anciens élèves de l'École de l'air, « Femmes pilotes militaires », no 191, décembre 2007, p. 5.
- ↑ « Madeleine Charnaux », gettyimages.it.
- ↑ Françoise de Ruffray, Emmanuel Bréguet, Histoire orale – Inventaire des témoignages – 2e partie – Entretiens 146 à 270, Service historique de l'Armée de l'air, 1993, p. 283-284 [PDF].
- AI 4Z 39021/3 Copie des carnets de vol d'Elisabeth Boselli consultables au Service historique de la Défense, à Vincennes.
- ↑ SHDAI__AI_8_Z_604_1 Interview du général Roger Duval qu'on peut écouter au Service historique de la Défense, à Vincennes.
- ↑ SHDAI__AI_8_Z_229 Interview d'Elisabeth Boselli consultable au Service historique de la Défense, à Vincennes.
- ↑ Dossier DE 2014 ZL 170 137 pour Elisabeth Boselli, dossier DE_2008_ZL_262_543 pour suzanne Melk.
- Jean-Paul Talimi, « Elisabeth Boselli : première femme pilote de chasse ? », Air actualités n° 736, , p. 59
- ↑ « Jardin Élisabeth Boselli », sur www.paris.fr (consulté le ).
- ↑ « Cimetière de la Guillotière », sur www.lyon-france.com, (consulté le ).
- ↑ « Jardin Élisabeth Boselli », sur www.paris.fr
- ↑ Décret du 14 avril 1995 portant promotion et nomination (lire en ligne)
Bibliographie
modifier- Jacques Noetinger, « Élisabeth Boselli », Air et Cosmos, no 1033, .
- Georges Balsa (stagiaire) et Françoise de Ruffray, ARCHIVES DE LA DÉFENSE. Témoignages Oraux de l’Armée de l’Air. ÉTAT DES FONDS : SOUS-SÉRIE AI 8 ZP, Vincennes, Service historique de la Défense, (lire en ligne).
- Une (autre) femme et aviatrice formidable : Élisabeth Boselli, article paru dans la revue « Azur & Or » éditée par l'Association nationale des officiers de réserve de l'Armée de l'air (ANORAA), n° 214, , page 34.
Voir aussi
modifierLiens externes
modifier
- Martine Tujague, « Hommage à Élisabeth Boselli (1914-2005) », Aéro-Club de France.
- Élisabeth Boselli, avionslegendaires.net.