Place financière

lieux qui sont des centres d'activité financière

Une place financière est, selon la définition de la Banque de France, un lieu « qui assure la rencontre de multiples acteurs qui concourent au bon fonctionnement des marchés financiers au sein d'écosystèmes dégageant d'importantes synergies »[1]. Il s'agit donc généralement d'une ville mondiale, désignée comme acteur majeur de l'économie mondiale, et plus particulièrement des marchés financiers internationaux. Les places financières regroupent le siège d'une bourse, d'un marché monétaire, d'un marché de change et de nombreux établissements bancaires.

New-York , 1re place financière du monde selon le Global Financial Centres Index (2019)

Les infrastructures facilitant les échanges ainsi que l'accessibilité de la ville jouent un rôle essentiel, regroupant ainsi les établissements financiers en un même lieu et donnant naissance à des clusters.

On parle aussi de centre financier[2], de pôle financier[3] ou encore de hub financier[4].

Histoire modifier

Les places financières internationales en Europe ou en Asie ont une longue tradition d'échange internationaux qui remonte au Moyen Âge. Elles se sont souvent constituées à partir de foires ou de places d'échange de biens, puis de services marchands. Les Foires de Champagne étaient au Moyen Âge une des toutes premières places marchandes et financières en Europe[5].

Même si l'histoire est différente, la même logique d'émergence de place financière prévaut en Asie (Tokyo, Hong Kong ou Singapour) et, depuis le 19e siècle, aux États-Unis (New York). À partir de cette histoire, on peut faire quelques observations générales. Premièrement, la première place financière a toujours été celle de la première puissance économique (Pays-Bas au 18e siècle, Grande-Bretagne au 19e siècle, États-Unis au 20e siècle)[6]. Deuxièmement, les transitions de la prééminence d'une place à une autre sont peu fréquentes, et découlent beaucoup plus d'évènements géopolitiques majeurs que de facteurs purement économiques ou financiers[6]. Troisièmement, une fois une place financière installée, elle reste importante même en cas de déclin économique (relatif) de sa région[7]. Dans les sections qui suivent, on présente un aperçu de cette histoire.

Première mondialisation financière modifier

Au début du 18e siècle, alors qu'Amsterdam perd définitivement sa prédominance, Londres devient incontestablement la première place financière mondiale. Cette centralisation découle de la puissance politique (après les guerres napoléoniennes, empire colonial, etc.) et économique (industrie puissante, commerce développé, revenu par habitant élevé) de la Grande-Bretagne. C'est à Londres que l'on finance le commerce mondial et que sont organisés les flux de capitaux et les investissements internationaux. Il n'y a aucune autre place d'envergure internationale à part Paris, moins développée que sa rivale d'outre-manche mais où a lieu la compensation de certains échanges internationaux et qui organise aussi de nombreux investissements à l'étranger[7].

C'est généralement en 1870 que l'on date le début de la première mondialisation financière caractérisée par des migrations de mains-d’œuvre (européennes) importantes, du déploiement des moyens de transport et de communication et de l'essor sans précédent du commerce et des marchés des capitaux. C'est l'âge d'or de la City londonienne qui concentre un nombre inégalé d'activités et de services financiers, tandis que Paris est une « brillante seconde » selon les mots d'Alain Plessis[8]. Le développement économique d'autres puissances s'accompagne de l'émergence de nouvelles places financières de statut international : New-York (qui accueille les très nombreux investissement étrangers dirigés vers les États-Unis en pleine explosion économique) et Berlin (dont la puissance industrielle surpasse celle des britanniques au tout début du XXe siècle). Des villes (Bruxelles, Amsterdam, Zurich et Genève) de pays de moindre envergure se spécialisent dans certains services financiers.

L'historien Youssef Cassis explique que ces villes étaient « les “capitales des capitaux”, les centres financiers des sept pays fournissant 95 % du stock d'investissements étrangers en 1913 »[7].

Déclin modifier

La Première Guerre mondiale marque un coup d'arrêt au développement international de la finance. Les échanges se rétractent et, plus qu'avant, se font préférentiellement au sein de blocs géopolitiques (pays de l'Entente, empires coloniaux, etc.). De première débitrice du monde, la place de New-York devient la première créancière, mais Londres reste la première place mondiale. Paris, qui finit par réussir à affronter ses difficultés monétaires à la fin des années 1920 garde un rôle important, tout comme les places suisses mais à l'inverse de Berlin, minée par l'hyperinflation. La crise de 1929 accentue la démondialisation, sans pour autant remodeler la hiérarchie des grandes places financières[7].

À la sortie de la Seconde Guerre mondiale, la finance privée internationale est réduite tandis que la forte croissance économique des pays occidentaux est soutenue par des financements nationaux impulsés par l'État. La place de Londres, qui a gardé des institutions et une expertise reconnues, est en difficulté. Elle reste leader sur certains marchés mais repose de plus en plus sur un commerce « interne » avec ses colonies et ex-colonies. Paris n'est plus que l'ombre d'elle-même. En Allemagne, de manière un peu étonnante, Francfort plutôt que Cologne ou Hambourg devient la première place financière, notamment parce que les Alliés y ont installé la banque centrale de la RFA, mais n'acquiert pas vraiment de statut international contrairement aux banques suisses de Zurich, Genève, Bâle et (dans une moindre mesure) Lugano. Surtout, c'est désormais New-York qui est la place financière la plus importante du monde, reflet de la superpuissance des États-Unis et de l'hégémonie du dollar. C'est une place financière mature, avec une grande diversité d’institutions, de marchés et de services fournis[7].

Seconde mondialisation financière modifier

Les places financières vont connaître un nouvel âge d'or du fait de la mondialisation, de la libéralisation et des innovations financières. New-York accueille le plus grand marché des capitaux au monde. Londres, qui avait commencé un nouvel essor avec l'émergence du marché des eurodollars, est la capitale des banques internationales. Francfort devient la première place européenne continentale, puissance dont témoigne l'installation de la BCE dans la ville. La Suisse reste importante, et domine même certains marchés comme celui de la gestion des grandes fortunes. De nouvelles places internationales émergent. Celle de Tokyo découle de la puissance économique du Japon. À Singapour, le gouvernement capitalise sur l'héritage et le savoir-faire britannique pour développer le marché des eurodollars asiatiques. De façon plus spontanée, Hong-Kong devient également une place internationale majeure[7].

Évolutions contemporaines modifier

La crise des subprimes, de façon contre-intuitive, a peu d'impact sur le développement des places financières. Les grandes places comme New-York, Londres, Francfort et Paris retrouvent rapidement leur niveau d'activité d'avant-crise, tandis que les places asiatiques comme Tokyo, Singapour et les places chinoises (Beijing, Shanghai) continuent de connaître une croissance très forte. Au sein des places, les banques d'investissement déclinent au profit des gestionnaires d'actifs[9].

Des années 1950 (fin de la primauté de l'étalon-or et des empires coloniaux, et développement des multinationales dans une économie de marché de plus en plus mondialisée) aux années 2020, de nombreuses petites juridictions qui se sont construites grâce à l'évasion fiscale (classées comme paradis fiscaux) deviennent peu à peu des places financières internationales, mais leur développement pourraient être freiné par la volonté des pays spoliés de leur impôt de rendre plus transparents les flux financiers vers ces juridictions, via notamment la création de registres publics de propriété effective[10].

Londres reste l'une des principales places financières du monde, mais avec la sortie du pays de l'Union européenne (BREXIT), il a été envisagé qu'une partie des services soient déplacés pour rester dans l'Union européenne. Paris, via l'organisation Paris Europlace, cherche alors à devenir la place de référence financière en Europe[11] et effectue un marketing énergique dans ce sens [12].

Principales places financières modifier

La variabilité des classements met en exergue les difficultés rencontrées pour mesurer l'importance d'une place financière. Le premier classement, d'origine britannique, tient compte des paradis fiscaux.

Classement selon le Global Financial Centres Index (mars 2024)[13]
Rang Ville Pays Score
1 New York   États-Unis 764
2 Londres   Royaume-Uni 747
3 Singapour   Singapour 742
4 Hong Kong   Hong Kong 741
5 San Francisco   États-Unis 740
6 Shanghai   Chine 739
7 Genève   Suisse 738
8 Los Angeles   États-Unis 737
9 Chicago   États-Unis 736
10 Séoul   Corée du Sud 735
11 Shenzhen   Chine 734
12 Washington D.C.   États-Unis 733
13 Francfort   Allemagne 732
14 Paris   France 731
15 Pékin   Chine 730
16 Zürich   Suisse 729
17 Luxembourg   Luxembourg 728
18 Sydney   Australie 726
19 Tokyo   Japon 725
20 Dubaï   Émirats arabes unis 724
21 San Diego   États-Unis 723
22 Boston   États-Unis 722
23 Toronto   Canada 721
24 Amsterdam   Pays-Bas 720
25 Dublin   Irlande 719
26 Minneapolis-Saint Paul   États-Unis 718
27 Busan   Corée du Sud 717
28 Melbourne   Australie 716
29 Canton   Chine 715
30 Montréal   Canada 714
Classement selon le Worldwide Centers of Commerce Index (2008)[14]
Rang Ville Pays
1 Londres   Royaume-Uni
2 New York   États-Unis
3 Tokyo   Japon
4 Singapour   Singapour
5 Chicago   États-Unis
6 Hong Kong   Hong Kong
7 Paris   France
8 Francfort   Allemagne
9 Séoul   Corée du Sud
10 Amsterdam   Pays-Bas
11 Madrid   Espagne
12 Sydney   Australie
13 Toronto   Canada
14 Copenhague   Danemark
15 Zurich   Suisse
16 Stockholm   Suède
17 Los Angeles   États-Unis
18 Philadelphie   États-Unis
19 Osaka   Japon
20 Milan   Italie
21 Boston   États-Unis
22 Taipei   Taïwan
23 Berlin   Allemagne
24 Shanghai   Chine
25 Atlanta   États-Unis
26 Vienne   Autriche
27 Munich   Allemagne
28 San Francisco   États-Unis
29 Miami   États-Unis
30 Bruxelles   Belgique
31 Dublin   Irlande
32 Montréal   Canada
33 Hambourg   Allemagne
34 Houston   États-Unis
35 Dallas   États-Unis
36 Washington   États-Unis
37 Vancouver   Canada
38 Barcelone   Espagne
39 Düsseldorf   Allemagne
40 Genève   Suisse

Notes et références modifier

  1. http://www.coe-rexecode.fr/public/content/download/22613/229792/version/1/file/Paris+Europlace2004-09.pdf La compétéitivité de la Place financière de Paris
  2. Banque de France, « L'attractivité des places financières », Bulletin de la Banque de France - no 123,‎ , p. 46 (lire en ligne)
  3. « Genève banques fintech », sur ge.ch (consulté le )
  4. « Shanghaï, futur «hub financier» d'Asie ? », sur LEFIGARO (consulté le )
  5. (en) Olivier Coispeau, Finance masters : a brief history of international financial centers in the last millennium, , 368 p. (ISBN 978-981-310-882-0, lire en ligne)
  6. a et b Youssef Cassis, « Londres, New York et la dynamique des places financières internationales, fin xix e -début xxi e siècle: », Monde(s), vol. N° 13, no 1,‎ , p. 25–47 (ISSN 2261-6268, DOI 10.3917/mond1.181.0025, lire en ligne, consulté le )
  7. a b c d e et f (en) Youssef Cassis, « International Financial Centres », dans The Oxford Handbook of Banking and Financial History, Oxford University Press, , 292–318 p. (ISBN 978-0-19-965862-6, DOI 10.1093/oxfordhb/9780199658626.013.15, lire en ligne)
  8. (en) Alain Plessis, « When Paris Dreamed of Competing with the City… », dans London and Paris as International Financial Centres in the Twentieth Century, Oxford University PressOxford, , 42–54 p. (ISBN 978-0-19-926949-5, DOI 10.1093/acprof:oso/9780199269495.003.0003, lire en ligne)
  9. (en) Dariusz Wójcik et Theodor F. Cojoianu, « Conclusions: A Global Overview from a Geographical Perspective », dans International Financial Centres after the Global Financial Crisis and Brexit, Oxford University PressOxford, , 207–232 p. (ISBN 978-0-19-881731-4, DOI 10.1093/oso/9780198817314.003.0010, lire en ligne)
  10. (en) « A World Without IFCs », sur IFC Review (consulté le )
  11. « Faire de Paris la première place financière européenne de l’après-Brexit », sur Gouvernement.fr (consulté le )
  12. « Romandie.com (@romandie) / Twitter », sur romandie.com (consulté le ).
  13. https://www.longfinance.net/media/documents/GFCI_35_Report_2024.03.21_v1.0.pdf
  14. http://www.mastercard.com/us/company/en/insights/pdfs/2008/MCWW_WCoC-Report_2008.pdf

Articles connexes modifier