Histoires de fantômes

Les histoires de fantômes sont un sous-genre du fantastique, où l'élément surnaturel passe par la présence — ou la supposée présence[1] — d'un ou plusieurs fantômes.

Illustration en noir et blanc des fantômes du passé, du présent et du futur dans Un chant de Noël de Charles Dickens.

Dans ces histoires, le fantôme est souvent le héros et a une personnalité ainsi qu'une identité bien à lui. Le genre peut aussi donner lieu à des récits centrés uniquement sur les fantômes ou les morts, et à cela s'ajoute bien souvent le concept de « hantise », où le fantôme est lié à un lieu, objet ou une personne[2],[3]. Ces histoires se font généralement exemples ou représentations du ghostlore.

Familièrement, le terme d'« histoire de fantômes » peut faire référence à tout type d'histoire effrayante. En littérature, elles se sont souvent développées par l'intermédiaire du format des nouvelles, dans le cadre de récits surnaturels, de weird fiction, ou d'horreur, bien que la figure de fantôme eut aussi été utilisée dans des récits plus légers, tels que des contes humoristiques ou des contes moraux[2].

En littérature modifier

Premiers exemples : de l'Antiquité au Moyen Âge modifier

 
Fragment de jarre avec l'histoire Khonsuemheb et le fantôme écrite en Hiératique, entre 1292 et 1076 av. J.-C. (Nouvel Empire). Museo Egizio, Turin.

En littérature, les esprits apparaissent déjà dans l'Odyssée d'Homère vers la fin du VIIIe siècle av. J.-C., lors du séjour d'Ulysse aux Enfers[2]. Dans le Tanakh, ou Bible hébraïque, la Sorcière d'Endor, qui peut être comparée à un médium spirite, possède un talisman qui lui permet d'invoquer le fantôme du prophète Samuel récemment décédé, à la demande de Saül, roi d'Israël[4].

Les fantômes apparaissent chez les Romains dès le IIIe siècle av. J.-C., dans la comédie latine de Plaute, Mostellaria ou le Revenant[5], considérée comme la première œuvre à présenter une demeure hantée[6]. Le récit de lieu hanté revient ensuite au début du Ier siècle avec Pline le Jeune, qui décrit dans ses Lettres la hantise d'une maison à Athènes[7]. À la même période, la figure du fantôme apparaît de manière récurrente dans les tragédies de Sénèque[2], qui influenceront le retour de la tragédie à la Renaissance avec notamment le théâtre élisabéthain à travers Thomas Kyd et William Shakespeare[8].

Au IIe siècle, le conte de Philinnion et Mâchâtes, raconté d'abord par le romain Phlégon de Tralles puis, au Ve siècle, par Proclus, passe pour l'une des plus anciennes histoires de fantômes occidentale, où une jeune fille nommée Philinnion réapparaît après sa mort prématurée[9].

Hors de la culture occidentale, les esprits sont connus dans la civilisation arabe, comme en témoignent certains contes des Mille et Une Nuits impliquant souvent des djinns et des goules, tel que c'est le cas pour le conte « Ali du Caire et la maison hantée de Bagdad », daté du XVIe siècle qui raconte l'histoire d'une maison hantée par un djinn[10]. Du côté du Japon, Le Dit du Genji, œuvre majeure de la littérature nippone du XIe siècle[11], contient plusieurs histoires de fantômes de personnages possédés par des esprits[12].

Théâtre élisabéthain modifier

 
Le fantôme du père de Hamlet, représenté par Henry Füssli entre 1780 et 1785.

La redécouverte des tragédies de Sénèque par les humanistes italiens au milieu du XVIe siècle porte une grande influence sur les auteurs dramatiques anglais : les pièces La Tragédie espagnole de Thomas Kyd et Hamlet de Shakespeare, partagent ainsi toutes deux les thèmes de la vengeance, et la présence de cadavres et fantômes parmi les personnages joués[13] ; l'ombre du père assassiné de Hamlet, notamment, est devenu depuis sa parution en 1603 l'un des fantômes les plus célèbres de la littérature anglaise[2]. Des figures fantomatiques apparaissent dans d'autres œuvres de Shakespeare, notamment dans Richard III — qui ressemble au modèle imposé par Sénèque — et Macbeth, avec le personnage de Banquo[14].

Dans le théâtre anglais de la Renaissance, les fantômes étaient souvent représentés sous des costumes de vivants, et parfois même en armure : obsolète à cette période, l'armure donnait au fantôme une allure antique et vieillie[15]. Ce n'est qu'à partir du XVIIIe siècle que le fantôme « bâché », recouvert d'un tissu, gagne du terrain au théâtre, du fait de la difficulté du déplacement des fantômes en armure, qui ne pouvaient se mouvoir que par un système de poulies[15]. Le drap se met alors à représenter l'immatérialité, l'invisibilité et la vraisemblance des fantômes, qui apparaissent de manière beaucoup moins vêtue et grossière qu'à la Renaissance[15].

Période romantique et âge d'or des histoires de fantômes modifier

C'est ainsi que la présence du fantôme devient un motif courant qui donne lieu au développement des histoires de fantômes en Angleterre, par le truchement du roman gothique, dans une forme toutefois plus policée et qui use souvent du format de la nouvelle. Très en vogue dans l'Angleterre et l'Amérique du XIXe siècle, les histoires de fantômes sont fréquemment publiées pendant le temps de Noël. C'est ainsi que Charles Dickens, Nathaniel Hawthorne, Henry James et, dans un registre parodique, Oscar Wilde, se sont prêtés à l'exercice. Les caractéristiques thématiques du genre (tonalité : accent mis sur la psychologie ; décor : manoir victorien) doivent donc beaucoup à l'atmosphère et aux réalités de la société anglo-saxonne, bien que d'autres auteurs européens, notamment l'Allemand E. T. A. Hoffmann avec Les Mines de Falun, aient su marquer le genre de leurs empreintes.

Le fantôme, qui apparaît selon sa volonté ou parce qu'il y est contraint[2], prend souvent figure humaine, mais peut être un animal, voire une chose. Présenté sous un mode terrifiant, il provoque une frayeur bientôt tempérée au cours du récit lorsque le lecteur apprend la nature du mystère ou de l'énigme qui s'attache au destin de l'ectoplasme souvent contraint d'expier une faute ou enchaîné par une malédiction, un devoir, une obligation. Le fantôme peut aussi se révéler porteur d'un message, d'un avertissement, d'une révélation.

Œuvres modifier

Littérature modifier

Cinéma et télévision modifier

Cinéma modifier

Télévision modifier

Notes et références modifier

  1. (en) Margaret Drabble, Ghost Stories, Oxford University Press, (ISBN 9780198614531), p. 404-405
  2. a b c d e et f Darrell Schweitzer, "Ghosts and Hauntings", dans Westfahl, Gary. The Greenwood Encyclopedia of Science Fiction and Fantasy: Themes, Works, and Wonders. Westport, CT: Greenwood, 2005. p. 338-340.
  3. (en) Alan Brown, The Face in the Window and Other Alabama Ghostlore, University of Alabama Press, (ISBN 978-0-8173-0813-1, lire en ligne)
  4. Jean-Claude Schmitt, « Le spectre de Samuel et la sorcière d'En Dor. Avatars historiques d'un récit biblique : I Rois 28 », Études rurales, vol. 105, no 1,‎ , p. 37–64 (DOI 10.3406/rural.1987.3179, lire en ligne, consulté le )
  5. Thomas Marlier, « Histoires de fantômes dans l'Antiquité », Bulletin de l'Association Guillaume Budé, vol. 1, no 1,‎ , p. 204–224 (DOI 10.3406/bude.2006.2208, lire en ligne, consulté le )
  6. (en) Debbie Felton, Haunted Greece and Rome: Ghost Stories from Classical Antiquity, University of Texas Press, (ISBN 978-0-292-78924-1), p. 50-51
  7. « Classical ghost stories », sur web.archive.org, (consulté le )
  8. (en) Susanna Braund, Haunted by Horror: The Ghost of Seneca in Renaissance Drama (ISBN 9781118316771), p. 425-443
  9. Joshua J. Mark, « Histoire de fantômes antique: Philinnion et Mâchâtes », sur Encyclopédie de l'Histoire du Monde (consulté le )
  10. « Le Bagdad rêvé des « mille et une nuits » », sur www.lhistoire.fr (consulté le )
  11. Mary Picone, « Ombres japonaises : l'illusion dans les contes de revenants (1685-1989) », Homme, vol. 31, no 117,‎ , p. 122–150 (DOI 10.3406/hom.1991.369354, lire en ligne, consulté le )
  12. (en) Tom Smith, « Hyper Japan hails digital-age 'Genji' opera », sur The Japan Times, (consulté le )
  13. Gilles Mathis, « Hamlet : anatomie d'un fantôme, ou le spectre du sens », XVII-XVIII. Revue de la Société d'études anglo-américaines des XVIIe et XVIIIe siècles, vol. 43, no 1,‎ , p. 21–38 (DOI 10.3406/xvii.1996.1335, lire en ligne, consulté le )
  14. (en) Zachary Graves, Ghosts, Canary Press eBooks, (ISBN 978-1-908698-12-4, lire en ligne)
  15. a b et c (en) Ann Rosalind Jones et Peter Stallybrass, Renaissance Clothing and the Materials of Memory, Cambridge University Press, (ISBN 978-0-521-78663-8, lire en ligne)

Annexes modifier

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Bibliographie modifier

Anthologies modifier

  • Jeremiah Curtin (éd.), Histoires de fantômes irlandais, Terre de brumes, 2009.
  • Les Fantômes des victoriennes, José Corti, 2000.
  • Les Fantômes des victoriens, José Corti, 2000.
  • Jacques Goimard et Roland Stragliati (éd.), Histoires de fantômes, Presses Pocket, 1977.
  • André Lévy (dir.), L'Antre aux fantômes des collines de l'Ouest, Gallimard « connaissance de l'Orient », 1987.
  • Rabindranath Tagore, Histoires de fantômes indiens, Arléa, 2008.

Articles connexes modifier

Sources modifier

  • Ashley, Mike, Editor. Phantom Perfumes and Other Shades: Memories of Ghost Stories Magazine, Ash-Tree Press, 2000.
  • Bailey, Dale. American Nightmares: The Haunted House Formula in American Popular Fiction, Bowling Green, OH: Popular Press, 1999. (ISBN 0-8797-2789-6).
  • Schweitzer, Darrell. "Ghosts and Hauntings", dans The Greenwood Encyclopedia of Science Fiction and Fantasy: Themes, Works, and Wonders. par Gary Westfhal, Westport, CT: Greenwood, 2005. p. 338-340.
  • Sullivan, Jack. Elegant Nightmares: The English Ghost Story From Le Fanu To Blackwood, Ohio University Press, 1978. (ISBN 0-8214-0569-1).

Liens externes modifier